La Violence Éducative Ordinaire (VEO): conséquences sur le développement de l’enfant

Conséquences des VEO sur le développement cérébral

  • Plasticité neuronale

Tout ce qu’on fait à un enfant, tout ce qu’il voit va s’encoder dans son cerveau. Les comportements des adultes influencent la construction des enfants car ils s’impriment dans leur cerveau comme un modèle, comme des réactions normales.

  • Cortex pré frontal

Plus l’enfant est accompagné avec respect par ses parents, plus ses besoins sont respectés, plus le cortex préfrontal de l’enfant se développe harmonieusement. Le cerveau pré frontal est le siège des différentes fonctions cognitives dites supérieures, tels que le langage, la mémoire de travail, le raisonnement, la planification, le sens de l’humour ou encore l’empathie.

Plus un enfant subit de violences (même dites “ordinaires”), plus la zone du cerveau pré frontal va s’atrophier à cause de la libération prolongée et fréquente de cortisol dans son organisme (le cortisol étant une hormone du stress). Les enfants qui ont la chance de connaître des conditions favorables au développement harmonieux de leur cortex préfrontal vont être mieux capables de reconnaître, utiliser et réguler leurs émotions, de faire preuve d’empathie, de réfléchir et trouver des solutions à leurs problèmes sans se laisser déborder par leurs impulsions violentes. 

 

  • Hippocampe et amygdale

L’hippocampe est le centre de l’apprentissage et l’amygdale est le centre de la peur.

Quand un enfant subit une violence physique ou psychologique, l’hippocampe est inondé de cortisol, détruisant des neurones et activant le centre de la peur. Or un enfant paralysé par la peur n’est pas en capacité d’apprendre.

Par ailleurs, le centre de la peur peut être déréglé à long terme et entraîner des troubles psychologiques à l’âge adulte.

Les situations d’impuissance ou de danger du passé peuvent se retrouver dans le présent de l’adulte, par exemple dans des expressions psychosomatiques. Un enfant qui a été enfermé dans un placard enfant et qui a refoulé ce souvenir (il ne s’en rappelle pas de manière consciente une fois arrivé à l’âge adulte) peut souffrir de claustrophobie dans l’âge adulte sans comprendre l’origine de cette phobie. Un adulte à qui les parents ont répété avec dureté « on ne répond pas à ses parents » pourra souffrir de sidération chaque fois que quelqu’un l’intimide.

Voici le processus qui empêche une violence ou une menace d’être encodée et traitée par le cerveau comme une situation autobiographique : le cerveau ne peut pas décoder ce qui se passe quand on vit une agression.

conséquences VEO développement de l'enfant

  • Troubles psychosomatiques

Selon Muriel Salmona, psychiatre spécialisée en psychotraumatologie et victimologie, les troubles psychosomatiques sont une blessure, une fracture faite au cerveau.
Ce ne sont pas les enfants qui fabriquent leur propre malheur : on l’a fabriqué pour eux. Si on prend en charge les enfants victimes de violences, on évite qu’ils s’en prennent à eux-mêmes et aux autres.

On est dans un déni de la réalité et un manque de formation pour dépister et soigner les enfants victimes de violences. Plus on parle de ces violences, plus les victimes pourront se confier et plus les auteurs de violence seront repérés.

Muriel Salmona mentionne trois symptômes post traumatiques consécutifs à des violences éducatives (qu’elles soient dites “ordinaires” ou non) :

  1. La mémoire traumatique

La mémoire traumatique est une mémoire sensorielle, émotionnelle, physique qui n’est pas intégrée par le circuit de la mémoire. Cette mémoire reste bloquée dans un espace du cerveau et ré-envahit la personne au moindre lien avec l’événement traumatique. La mémoire traumatique ne peut pas mentir car elle se reproduit à l’identique.

La mémoire de ce qui se passe reste en l’état hors temps et fait revivre les événements traumatiques comme une machine à remonter le temps.

Ces souvenirs peuvent hanter les enfants (même une fois devenus adultes), qui doivent mettre en place des stratégies de survie pour éviter le douloureux allumage de leur mémoire traumatique :

  • évitement : phobie, alcoolisation à certaines périodes de la journée correspondant à des heures de violences subies, crises de panique, douches à répétition…
  • contrôle de l’environnement qui est devenu un terrain miné
  • conduites à risque : mises en danger qui provoquent la « disjonction du système » pour éviter de revivre l’événement traumatique. Il est préférable pour un enfant de se scarifier par exemple que de revivre des violences extrêmes.

Ces manières de revivre les événements traumatiques peuvent être prises pour des hallucinations (auditives, visuelles, olfactives…)  et des diagnostics de schizophrénie peuvent être posés alors qu’il s’agit de mémoire traumatique.

2. La sidération

Il y a paralysie des fonctions supérieures.

3. La dissociation traumatique

La personne est déconnectée de ses émotions et du stress : elle est comme anesthésiée et en dehors d’elle-même (en mode automatique).

Par exemple, 60% à 90% des prostituées sont des personnes qui ont connu des violences sexuelles dans l’enfance et qui sont dissociées.

Un état de dissociation traumatique pose problème car la personne dissociée ne ressent rien et peut parler de sujets graves qui la touchent intimement sans paraître impliquée.

L’enfant dissocié n’a pas une déficience mentale mais il ne peut pas utiliser son intelligence pleinement, au risque de revivre sa mémoire traumatique.

On comprend donc que la sidération bloque l’enfant qui se fige et que la dissociation est comme une anesthésie émotionnelle (l’enfant paraît ne rien ressentir).

Les adultes ont alors l’impression que les punitions, les fessées, les claques, les humiliations “marchent” d’un point de vue éducatif alors que la violence n’a fait qu’arrêter l’enfant par peur intense.

Les états de dissociation et de sidération peuvent mener à une non réaction des enfants, qui ont l’air d’ignorer ce que les adultes leur disent. Les adultes peuvent prendre cela pour de l’indifférence, du défi à leur autorité et risquent de justifier le cycle des violences éducatives par cet état.

Par ailleurs, certains enfants vont répondre différemment aux violences éducatives ordinaires : par la rébellion, par la revanche, par la rancoeur, par la reproduction de la violence… Ces enfants sont alors considérés comme “entêtés”, “difficiles”, “terribles” et les adultes vont se montrer encore plus violents dans une optique éducative. En ce sens-là, les violences éducatives sont d’autant plus dangereuses qu’elles mènent à une escalade de la violence pouvant mener à de la véritable maltraitance : quelle est en effet la limite entre une violence “acceptable”, “éducative”, “qui ne fait pas vraiment mal”, qui est pour le “bien” des enfants et une “vraie” violence maltraitante dont tout le monde s’indigne ?

Conséquences des VEO sur le développement et sur la santé

Chez l’enfant : risque d’agressivité dès 3 ans et risque d’anxiété ou de déprime dès 5 ans.

Chez l’adolescent : réduction du quotient intellectuel, décrochage scolaire, troubles psychiatriques, entre autres, peuvent apparaître.

À l’âge adulte : les conséquences se poursuivent : maladies somatiques, hyperactivité, sentiment d’insécurité et de stress, phobies, sont par exemple mis en avant.

Les violences subies dans l’enfance ont des conséquences neurologiques et épigénétiques y compris les VEO ! Les conséquences des VEO sont des risques accrus de dépression, de suicide, de troubles de la personnalité, de comportements anti sociaux, de maladies auto immunes, grossesse précoce, alcoolisme, prise de drogues… Et chaque violence supplémentaire aggrave ces risques de conduites à risque et de dégradation de la santé !

Il est important de savoir que des soins appropriés apportés aux victimes de violences leur permettent de récupérer et de retrouver une vie presque normale.

Conséquences des VEO sur le sens éthique

Le recours à la violence brouille les repères du bien et du mal. Il existe en France un préjugé qui persiste malgré les nombreuses données autour des conséquences de la violence éducative et malgré les nombreuses ressources pour apprendre à penser et faire autrement : “Tant qu’on ne frappe pas, on n’éduque pas”.

Les violences éducatives ordinaires sont un déni du sens de la responsabilité individuelle des enfants. Non seulement les enfants ne peuvent pas apprendre les comportements appropriés quand ils sont dans un état de peur permanente, mais ils ne peuvent pas non plus développer une auto discipline, un sens éthique interne, un soin apporté à la qualité de la relation avec les autres.

Le plus souvent, l’enfant, ne se révoltant pas contre ses parents, déverse toute cette violence accumulée sur ses frères et sœurs, ses copains de classe, puis plus tard sur le conjoint et ses propres enfants :
* Un petit garçon qu’on tape trouve normal de taper et inversement.
* Les garçons élevés dans la violence deviennent très souvent des hommes violents avec leur femme.
* Une petite fille qu’on humilie prend souvent l’habitude d’être humiliée et trouve normal d’humilier les autres.
* Et les filles, devenues femmes, utilisent la violence physique sur leur enfant petit et la violence psychologique, verbale sur leur conjoint et leur enfant plus grand.

Le facteur de risque le plus important pour subir des violences à l’âge adulte est d’en avoir subi dans l’enfance. Le facteur de risque le plus important pour commettre des violences à l’âge adulte est d’en avoir subi dans l’enfance.

En effet, la violence éducative subie apprend aux enfants qu’on a le droit de faire du mal à ceux qu’on aime, qu’on peut être tapé par les personnes qui sont supposées nous aimer le plus au monde, que les plus grands ont le droit de faire du mal aux plus petits, que la violence et le rapport de force est un moyen légitime de résoudre des problèmes.

Les violence deviennent ainsi la norme, favorisant leur reproduction ultérieure à la fois dans la sphère familiale et au dehors. La violence intrafamiliale contribue ainsi à la délinquance dans toute la société.

Quand dès l’enfance les enfants, garçons -filles sont élevés sans rapport de force, ils savent davantage une fois adultes avoir des relations apaisées sans rapport de pouvoir ni de soumission.

Découvrez pourquoi nous avons recours à la violence éducative. 

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