Que se passe-t-il dans le cerveau pour que, après avoir vécu un événement à fort impact émotionnel, on ne puisse plus s’en défaire ?
Le rappel du souvenir traumatique emprunte des circuits cérébraux différents et plus complexes que ceux d’un souvenir non traumatique.
Du coup, comment se construit la mémoire ? La construction d’un souvenir « ordinaire » se fait grâce à la formation de nouvelles synapses (points de jonction entre les neurones). Toutes les modalités sensorielles (visuelles, olfactives, auditives, etc.) sont alors activées, si bien qu’une simple odeur pourra faire rejaillir le souvenir. Mais seule une partie de ces synapses sera conservée, le cerveau opérant une forme de sélection naturelle des souvenirs.
Le rappel d’un souvenir « simple » passe par une structure clé du cerveau appelée l’hippocampe, transite ensuite par l’amygdale, qui l’associe à une émotion particulière, puis par le thalamus.
Mais la recherche a maintenant déterminé que les autoroutes de la mémoire ne sont pas les mêmes lorsqu’il s’agit d’un souvenir traumatique ! En effet, la réactivation d’un souvenir douloureux et envahissant passe par le cortex préfrontal (qui contrôle les émotions), puis par l’amygdale et le thalamus, structure impliquée dans le transfert et le filtrage des informations sensitives et sensorielles.
Un souvenir traumatique est un souvenir spécialement saillant. Il se produit dans ce cas une sorte de codage excessif des souvenirs. Les circuits empruntés ne sont pas standards, ce qui expliquerait cet excès de mémoire.
Peut-on laisser au temps la charge d’effacer le souvenir du traumatisme subi ?
Naturellement, l’empreinte du souvenir se modifie avec le temps dans le cerveau et va progressivement s’effacer ou se consolider.
Or, dans le cas d’un syndrome de stress post-traumatique, l’effacement n’a pas lieu ; au contraire, le souvenir se consolide !
Le souvenir continue à être associé à un sentiment de détresse, accompagné des réactions physiques et viscérales de la peur, même dans un contexte très différent de celui du choc initial. Notre organisme vit un échec d’adaptation face au danger rencontré : le circuit du souvenir maintes fois rappelé se complexifie de plus en plus, comme si le cerveau continuait à chercher, en vain, une réponse plus élaborée pour vaincre le danger. Biologiquement, le traumatisme est une hyperexcitation des systèmes convoqués en cas de peur.
Alors que faire face à un traumatisme ?
Pour sortir les victimes de cet état traumatique, il s’agit de défaire le lien entre le souvenir et les manifestations de la peur, autrement dit de débarrasser le souvenir des émotions négatives.
Alors, après avoir été confronté à une expérience violente, se confier à un proche ou à un spécialiste est une étape essentielle : raconter, encore et encore, un événement hautement stressant est un moyen de le revivre dans un contexte positif, à condition que l’entourage se montre empathique et reconnaissant de la souffrance vécue. Au fur et à mesure, la victime peut ainsi gagner en ressources et associer des émotions moins douloureuses à ce souvenir.
A cet égard, une prise en charge psychologique peut être utile. Dans un contexte d’écoute attentive, le rôle du thérapeute est d’offrir à son patient un recadrage des événements vécus. Autrement dit, avec l’appui d’un bagage théorique dont il ne fait pas forcément étalage, et à l’aide de questions ou d’observations bien senties, le thérapeute essaie de déjouer le conditionnement de son patient. Le but est de l’amener à adopter une nouvelle perception des choses et de l’aider à transformer le traumatisme, avec son cortège de réactions physiques désagréables, comme c’est le cas lors d’un syndrome de stress post traumatique, en un souvenir plus neutre.