L’enfant petit dérange
Les tempêtes émotionnelles, selon le Dr Catherine Gueguen, pédiatre, incitent les adultes à voir l’enfant petit comme un animal sauvage qu’il faut dresser. Ces tempêtes émotionnelles que vivent les enfants jusqu’à 5-6ans ans dues à l’immaturité de leur cerveau permettent d’expliquer l’attitude des adultes face aux enfants petits. Beaucoup d’adultes pensent que les petits sont comme des animaux sauvages qui ne savent pas se conduire, qui font n’importe quoi, et qu’il faut les dresser. Ce dressage est constitué par des rapports de force, des contraintes, des punitions, des cris, des menaces, des humiliations verbales, physiques.
Les tempêtes émotionnelles des petits sont une très grande difficulté pour les adultes et un certain nombre d’entre eux ne peuvent pas supporter les pleurs, les colères et la dépendance quasi totale de l’enfant petit qui implique de leur part une très grande présence physique et affective, ils vont alors réellement disjoncter et perdre leur calme.
Sur toute la planète et depuis toujours, face à un enfant petit qui crie, est en colère, se roule par terre, jette ses jouets, tape, mord, les adultes se mettent en colère, s’énervent et lui disent très souvent en criant : « Ce n’est pas bien, tu n’es pas gentil, tu es méchant, infernal » etc., et ensuite ils le punissent plus ou moins violemment, en le mettant au coin, en lui tirant les cheveux, les oreilles, en le giflant.
L’immense vitalité de l’enfant bouscule l’adulte et masque sa grande fragilité. Il donne le change. Il a des ressources. Il est bouillonnant de vie, a besoin d’espace, ne tient pas en place.
« Il n’arrête pas de faire des bêtises. Il me fatigue. Il court dans tous les sens. Je suis sûr qu’il le fait exprès, rien que pour m’embêter. »
L’enfant exprime bruyamment ses émotions, il rit très fort, pleure dès qu’il est contrarié. Il n’est pas « raisonnable ». Il vit et pense différemment de l’adulte. Son énergie vitale considérable, le pousse à courir, grimper, explorer. Son enthousiasme est débordant. Il est curieux, il veut toucher à tout, comprendre, jouer.
Toutes ces particularités inhérentes à l’enfant petit perturbent de nombreux adultes. Il faut qu’il soit sage, qu’il ne bouge pas dans tous les sens, qu’il reste assis tranquillement, qu’il obéisse aux ordres, qu’il soit propre, ordonné, qu’il mange ce qu’on lui donne, aille se coucher à l’heure dite, sans broncher. Bref… qu’il ne soit plus un enfant.
Les adultes reproduisent ce qu’ils ont subi
La majorité des adultes, parents ou professionnels de l’enfance, ont été élevés avec des punitions, des menaces et des récompenses. Les adultes reproduisent souvent la façon dont ils ont été eux-mêmes éduqués sans y avoir réellement réfléchi, sans vouloir ou pouvoir remettre en cause leurs parents. Il peut être très douloureux de revenir sur sa propre enfance, de critiquer, de remettre en question, d’accuser ses parents.
Ensuite très souvent les adultes reproduisent ce qu’ils ont subi sans connaître l’impact de ces violences sur l’enfant.
Beaucoup d’adultes pensent que ces méthodes ont des vertus éducatives
Les adultes utilisent les VEO en pensant bien faire. Ils aiment les enfants et pensent en toute bonne foi que : « C’est la bonne éducation » et qu’il n’existe pas d’autres moyens pour que l’enfant devienne « quelqu’un de bien ». Ils pensent que c’est comme cela que l’enfant va progresser, va bien se comporter et bien apprendre. Pour beaucoup d’adultes, il ne peut pas y avoir de « bonne éducation » sans coercition, ni punition.
« Si je te punis, c’est pour ton bien ! » Ceci entraine chez l’enfant une confusion des règles éthiques : « On a le droit de faire du mal pour faire du bien… ».
L’adulte fait ce qu’il lui interdit de faire… « Ma mère a le droit de me frapper mais moi je n’ai pas le droit de frapper et en plus elle me dit qu’elle le fait pour mon bien, alors que moi cela ne me fait pas du bien… Je n’y comprends rien. »
La position dominante de l’adulte
La position dominante de l’adulte amène très souvent l’enfant à accepter cette violence. Ayant toujours connu ce rapport de domination avec ses parents, il le juge normal. L’enfant ne dit rien ou très rarement. Il apprend à subir, à ne plus rien ressentir et il ne veut surtout pas accuser ses parents. Cette attitude persiste chez l’adulte, la plupart d’entre eux dénient ce qu’ils ont vécu ou même la justifie.
La faiblesse physique de l’enfant en fait un « très facile bouc-émissaire ».
Une des raisons inavouées de cette violence qui persiste est la faiblesse physique de l’enfant qui permet de l’agresser très facilement. L’enfant sert de bouc émissaire conscient ou inconscient à tous ces adultes qui ont vécu de la maltraitance psychologique ou physique durant leur enfance.
Quand l’adulte se sent frustré, énervé, il lui est alors facile de « passer ses nerfs » sur l’enfant quand il est petit car son répondant est très faible. L’adulte ne craint rien, sa force physique lui permet de le maitriser très facilement. « Vous ne pouvez pas savoir à quel point, de temps en temps, mon enfant m’énerve ! Et cela me fait du bien de passer mes nerfs sur lui. »
Les étiquettes d’« enfant-tyran » et d’ « enfant-roi » encouragent les adultes à utiliser des rapports de force.
Les adultes entendent les professionnels dire : « Attention, votre enfant vous fait marcher ! Il vous manipule ! », « Il faut que vous soyez très vigilants, vous ne devez pas vous laisser faire par votre enfant car sinon il risque de vous déborder, vous ne saurez plus comment faire, il deviendra « Un tyran » qui imposera sa loi à la maison. Donc vous devez dès tout-petit le tenir et le corriger très fermement ».
En entendant ces paroles, les parents prennent peur. Ce discours conforte les adultes dans l’idée qu’Il faut « corriger les enfants » dès la plus tendre enfance.
L’étiquette d’enfant-tyran empêche d’évoluer en matière d’éducation.
Cette étiquette, proclamée comme une vérité, empêche de réfléchir à l’éducation. Elle ne permet pas de comprendre les particularités de l’enfant, sa grande fragilité émotionnelle, l’immaturité et la vulnérabilité de son cerveau. Cette méconnaissance conduit à des réactions inappropriées de l’adulte.
L’étiquette d’enfant-tyran inverse les responsabilités
Elle place l’enfant en position de bourreau et met l’adulte en position de victime. Dans la relation adulte-enfant, qui a la place dominante ? Qui est le plus fragile ? Lequel des deux tyrannise l’autre, le parent ou l’enfant ? Le rapport adulte-enfant est inégalitaire physiquement et moralement, l’adulte dominant l’enfant par sa force physique mais aussi par son emprise morale, psychologique, intellectuelle.
Cette image de l’enfant tyran, ce danger brandi en avant d’un enfant dominateur est un non-sens car c’est bien l’adulte qui a tous les instruments du pouvoir et qui trop souvent en use facilement ou abusivement pour soumettre l’enfant, le rendre obéissant, l’obliger à faire comme l’adulte veut et quand il le veut.
Cette conception de l’enfant-tyran ne peut plus tenir au regard des connaissances actuelles sur l’immaturité, la fragilité et la vulnérabilité du cerveau lors de la petite enfance.
La méconnaissance des effets très négatifs de la VEO
Cette méconnaissance peut expliquer en partie son acceptation et les réactions violentes qui tournent en ridicule, en dérision ce sujet dès qu’il est abordé. « C’est vraiment un sujet sans importance. Vous feriez mieux de vous préoccuper de choses plus importantes comme le chômage, la crise, la misère. ! »
Ce sujet dérange donc. Mais nous avons désormais les preuves objectives des effets négatifs de ces pratiques sur le fonctionnement et le développement du cerveau. Et ce retentissement cérébral perdure à l’âge adulte et perturbe la personne dans sa façon de vivre, sa relation aux autres, sa capacité à s’épanouir et à mener une vie en rapport avec ce qu’elle souhaiterait.
Je vous invite à lire l’article suivant sur les conséquences de la VEO sur le développement de l’enfant.